Objets et pratiques de l’évaluation scolaire

Objets et pratiques de l’évaluation scolaire
4 avril 2019 Commentaires fermés sur Objets et pratiques de l’évaluation scolaireRaulin, D. (2019). Objets et pratiques de l’évaluation scolaire. Revue française de pédagogie. n°200 Recherche, politique et pratiques en éducation. pp 69-79.
Cet article vise à montrer la difficulté à rendre compatibles, d’une part les résultats de recherche et d’autre part les décisions de politique éducative.
Dans les 40 dernières années, la massification de l’enseignement scolaire en France a eu pour conséquence l’apparition de la difficulté et de l’échec scolaires comme problèmes publics. Face à l’émergence de cette réalité, les responsables politiques se sont emparés de thématiques ou de résultats de recherche encore largement débattus :
– l’apparition de l’évaluation formative (1978) est contemporaine de la mise en place du collège unique et de l’émergence dans le domaine public, de la difficulté scolaire. L’évaluation formative se présente alors comme la solution « miracle » puisqu’elle permet de repérer les difficultés des élèves, dès leur apparition. Ainsi, le rapport Legrand (1982) préconise la généralisation de son utilisation dans les collèges. Ce qui était un objet de recherche est devenu très vite un outil de politique éducative, amenant les chercheurs à renoncer progressivement à des investigations complémentaires ;
– la notation chiffrée à la française (une note globale obtenue par addition de notes partielles) continue à être utilisée aussi bien dans les classes qu’aux examens, alors que la docimologie montre depuis près d’un siècle ses imperfections (Piéron, 1934). Des études récentes (Demeuse, 2004) confirment que la note juste n’existe pas. F-M Gérard (2002) va plus loin en montrant « l’indispensable subjectivité de l’évaluation », expliquant que subjectif n’est pas synonyme d’arbitraire. Or, le public scolaire réclame une notation qui serait juste et équitable. Merle (2018) indique que la subjectivité et donc les aléas qui en sont les conséquences, n’est pas l’apanage de la notation chiffrée : « Les résultats des recherches sur la psychologie du jugement professoral ne valent pas seulement pour les pratiques de notation, mais, également, pour les autres pratiques d’évaluation telles que l’évaluation par compétences par exemple. » Malgré ces différents constats, la situation n’est pourtant peut-être pas inextricable, puisque différents pays utilisent des outils pour communiquer le jugement évaluatif aux élèves et à leurs familles, potentiellement moins humiliants que la notation chiffrée à la française ;
– en 2005, le socle commun des connaissances et des compétences propose pour la scolarité obligatoire, une présentation nouvelle des contenus d’enseignement fondée sur les compétences. Habitués à mettre leurs élèves en activités depuis la diffusion des nouvelles théories d’apprentissage (constructivisme et socioconstructivisme), les professeurs des écoles et de collèges ont intégré cette évolution sans difficulté apparente jusqu’en 2009 quand la maîtrise des compétences du socle commun est devenue partie prenante de l’attribution du Diplôme national du brevet. Alors que les débats entre chercheurs ne sont pas clos d’une part sur la pertinence du choix des compétences pour définir les contenus d’enseignement, et d’autre part sur la possibilité de évaluer celles-ci « à l’école », à travers ce choix, les décideurs politiques ont suivi les tendances internationales, prenant acte ainsi de la mondialisation de l’éducation.
À travers ces trois exemples, cet article explore les rapports entre chercheurs et décideurs, leurs influences mutuelles dans les décisions de politique éducative et la difficulté qu’ils ont en commun à collaborer sans pour autant renoncer à leurs missions propres.